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La Colo
Le départ
Rue Chénier c’est l’effervescence. Papa
prépare nos vêtements d’été. Nous, on lui emboîte le pas en
faisant un va et vient permanent de la salle à manger à
notre petite chambre ; lieu que nous occupons mon frère et
moi, aussi bien pour nos jeux que pour faire nos devoirs.
Papa nous a acheté des lits gigognes (superposés)
pour que l’on ait plus de place. J’occupe le lit du bas et
Patric celui du haut. Il dispose pour ses objets personnels
d’un cosy (meuble-étagère, allant d’un bout à l’autre du
lit), suspendu au mur au dessus de son lit. On partage
une grande commode à deux et une imposante armoire en commun
avec Papa, qui, lui, dort dans l’autre pièce sur le divan
(canapé-lit). Nos allées et venues incessantes
l’agacent, car avant de ranger nos affaires dans nos deux
valises il imprime nos vêtements à notre nom, à l’aide d’un
tampon, avec de l’encre de chine. Pour lui c’est plus facile
car il ne sait pas coudre « à part les boutons ». Et
pourtant, il faut absolument que tous nos effets soient
marqués pour revenir avec nous, de la colonie de vacances où
nous partons mon frère et moi !
Contrairement à l’année dernière où il n’était qu’avec des
garçons… Patric est radieux, car cette année il y a la
mixité à la colo. Pour moi, c’est ma première colo, et ce
qui me ravi… moi, c’est d’y aller avec mon frère et de ne
plus avoir d’école pendant deux mois.
Le Petit Chanteur à la Croix de
Bois
Nous avons fait le voyage de nuit, en
car, pour arriver à Reillanne dans les Basses Alpes
(Alpes de Haute Provence) dans la journée. Ici nous
dormons dans de grandes tentes rectangulaires en toile
verte. Nous avons des lits, posés sur un plancher, qui
ressemblent à ceux des hôpitaux ; ils sont alignés des deux
côtés de l’allée centrale. Il y a beaucoup de tentes, elles
aussi alignées, avec une très large allée au centre. Les
tentes des garçons d’un côté, celles des filles de l’autre.
J’ai bientôt huit ans et demi, mais je fais parti des petits
; les plus grands enfants étant presque adolescents, nos
jeux et nos sorties se font séparément, car nous n’avons pas
la même cadence. Dans la journée garçons et filles sont
ensemble, mais heureusement que j’ai une bonne copine car
Patric se trouve dans la section des moyens. On se retrouve
au moment des repas dans le bâtiment du réfectoire, ou
dans la soirée lors de certains jeux collectifs, et, si le
temps s’y prête, autour d’un feu de camp. J’adore les feux
de camp !
Il fait beau et chaud et la nature est verdoyante. C’est
heureux que cette nature soit si belle car il arrive que
l’on aille en promenade en passant sur le bord de la route,
près du bitume, sans arbres pour nous protéger du soleil, ce
qui nous fait transpirer et nous donne soif. Pourtant nous
devons attendre l’heure du goûter pour nous reposer sur
l’herbe et nous désaltérer, sans compter qu’en marchant nous
apprenons les chansons de circonstance…
« Un kilomètre à pied, ça use, ça use…et ça donne soif !».
A Reillanne, il y a des moniteurs pour les garçons et des
monitrices pour les filles qui se rejoignent comme nous,
puisque nos ballades sont communes. Les « monos » organisent
des jeux de piste, et là c’est vraiment bien, nous allons
dans les chemins ombragés de la forêt. De surcroît on pense
moins aux kilomètres à parcourir, vu que notre attention se
porte sur les énigmes à résoudre afin de trouver notre
chemin et d’arriver au bout du circuit.
Je l’avais déjà aperçu… mais hier je l’ai vu ! Nos regards
se sont croisés. Au camp, il était avec ses copains, moi
avec ma copine Florence. Lui et moi, nous avons composés
pour faire cette phrase :
J’ai commencé avec « Il fait beau aujourd’hui…
En me souriant, il a repris… Et le soleil brille ! ».
Deux petits cœurs se sont mis à battre au moment où nous
avons fait « Tilt ».Bastien et moi avons le même âge, alors
aujourd’hui nous sommes ensemble pour cette sortie en
montagne. Au terme d’une longue marche, c’est la récompense
de nos efforts, car après le pique nique et un peu de repos,
tous les enfants sont heureux de se baigner dans un bassin
d’eau claire arrivant d’une source, (Ce point d’eau est
enclavé par la roche et les cailloux). Pourtant, si
maintenant je suis ravie de patauger dans l’eau pour me
rafraîchir, ravie aussi qu’avec Florence et Bastien on fasse
les petits fous en s’aspergeant, il n’en était pas de même
lorsque qu’on s’est tous présentés en maillot de bain.
J’étais la seule petite fille à ne pas avoir de maillot
deux-pièces ; j’avais la même tenue que les garçons. Je ne
voulais pourtant pas montrer ma poitrine à tout le monde,
alors je me suis mise à pleurer. Malgré la gentillesse de
mes deux amis, j’étais inconsolable :
« C’est pas grave Régine, on sera dans l’eau !
- Oui mais l’eau… j’en n’aurais que jusqu’à la taille ! »
Puis, regardant mes vêtements… la bonne idée me vint de
mettre, avec l’aide de Florence, mon foulard en bandage
autour de ma poitrine. Le tour était joué !
Bien que Bastien ait repêché mon foulard … que j’avais perdu
sans m’en apercevoir, je me suis bien amusée !
Bastien est aux anges. Il a été sollicité par les monos qui
ont créé une chorale (lyrique) pour la section des
petits. La raison, de cette attention à son égard, est que
Bastien est un Petit Chanteur à la Croix de Bois. Il a
accepté d’interpréter les chants d’un répertoire (non
religieux), que nous reprenons tous en chœur. Il chante
bien mon petit fiancé et il est beau avec ses cheveux roux !
Comme moi, il a les yeux verts, et, je suis vraiment fière
que se sois moi qu’il aime le mieux. D’ailleurs, j’adore
jouer à ce jeu où nous formons une ronde avec les autres
enfants ; quand il se trouve au centre, Bastien doit choisir
entre deux fillettes qu’il est allé chercher dans la ronde.
« Entre les deux… mon cœur balance, je ne sais pas… laquelle
aimer des deux ! » Bastien, lui, il sait ! Sa préférence, à
lui, c’est moi !
Quand, à mon tour, je me trouve au milieu de la ronde, ma
préférence va une fois pour Florence, une fois pour Bastien.
Sobriquets
Pat et ses deux copains, « Jo » et « Sac
d’Os », s’aventurent souvent vers les tentes des filles,
attirés tous les trois par deux d’entre-elles.
Patric m’en a parlé, c’est avec beaucoup de fantaisie
qu’elles se font surnommées « Bébé Rose » et « Bébé Lune ».
Seulement voilà, il y a un problème ! Mon frère et ses
copains ne sont pas à leur goût, car les Bébés…se sont eux !
Ils sont dans la section des moyens, alors que ces filles,
qui paraissent déjà un an de plus que leur âge, elles, sont
dans la section des grands, et, elles ont déjà des copains !
Tant pis, Patric ne s’avoue pas vaincu. Son dévolu se porte
maintenant sur Lydie. Comme c’est curieux…elle aussi préfère
les garçons de son âge. Qu’à cela ne tienne, Pat ne renonce
pas ! Il a bien raison, puisque la petite sœur de Lydie, «
Etoile » est tout à fait sensible aux grands yeux bleus de
mon frère et… ils sont dans la même section.
Patric est amoureux ! Si bien que pour montrer à Etoile
qu’elle occupe toutes ses pensées, il s’est gravé un cœur en
s’égratignant le haut de la cuisse à l’aide de son petit
canif. La peau a saigné, en séchant elle a fait une croûte
qui a formé le cœur. Pauvre Pat, il a dû souffrir?! Mais il
faut bien que sa belle perçoive, à quel point mon frère
sait, qu’il n’a pas perdu au change avec elle ; car comme il
le dit « Une étoile, ça brille de partout ! » Patric me
révèle que Jo a gravé mes initiales, près des siennes, sur
le côté de sa table de nuit, car parait-il, il me regarde
beaucoup. Pourtant, alors que moi aussi je l’ai remarqué, je
l’ai vu porter son attention ailleurs. Peut être est-il un
drôle de jojo ? Mais, mon petit doigt me dit que c’est bien
fait pour moi ! Car moi, j’ai fais le pire ! J’ai été
détestable avec Bastien ; je l’ai envoyé sur les roses
(le mot est léger), ne voulant plus de lui. Il était
très triste. |
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